Vient de paraître : Boxon 29, avec un texte à moi dedans !
La version électronique du numéro sera bientôt disponible sur le site de la revue. En attendant, vous pouvez écouter une mise en voix du texte, « Les portes », ici.
Vient de paraître : Boxon 29, avec un texte à moi dedans !
La version électronique du numéro sera bientôt disponible sur le site de la revue. En attendant, vous pouvez écouter une mise en voix du texte, « Les portes », ici.
L’ère du tout-savoir, tout-dire, tout-vite. Du jour au lendemain, nous sommes tous spécialistes en histoire des religions, des civilisations, de l’Europe. Plus que jamais, avant de nous entasser devant les urnes, d’empoigner les mégaphones, nous ferions bien de prendre une semaine de vacances et de nous installer avec une vingtaine de livres à la bibliothèque. Cultiver le silence, l’étude, la réflexion, la distance, le recueillement. Ce que je lis sur les réseaux, ce que j’entends dans la rue, dans les cafés, dans la bouche de vieux amis, me terrifie. Je n’en dors pas de la nuit. Je suis terrorisé, au sens propre, pas seulement par l’attentat, mais par la violence inouïe des discours. Je me sens violé. Réifié, réduit au silence par une marée de propos prémastiqués-régurgités qui me noie. La démocratie se mérite ! En tant que Suisse, j’en sais quelque chose. Rendez-vous à la bibliothèque municipale de Lausanne aujourd’hui. Qui vient ?
je suis la haine, je suis le char d’assaut, je suis le grand brasier, la fête païenne, la manchette, je suis le goût de sang dans ta bouche, je suis nos papilles bousillées, je suis nos consciences assainies, nos doigts brisés, nous en avons plein les mains, oui toi aussi, plein les gencives, plein le réseau, leurs phrases bégaient dans la chaîne de nos voix entravées, leurs syllabes se sont figées, elles retombent en poudre dans nos gorges, nous demandons pardon avant de tousser, et aujourd’hui les mots se sont transformés en pluie de balles, le sang répandu servira à vider encore plus de crânes, les entrailles seront récupérées, traitées, polies, vernies, resservies en flocons creux, d’une bouche à l’autre, dans le réseau, comme ça, l’air de rien, nous allons être dans forteresse, dans brave new world, dans le houellebecq, le téléphone arabe sera huilé, karshérisé, lessivé, vulgarisé, plusieurs dizaines de milliers de jardiniers ont été mandatés pour tailler la grande haie, plus rien ne va dépasser dans ton jardin, plus personne ne dira rien, tout ce que nous dirons sera vomi, recraché, nous tomberons malades, d’anémie, de sclérose en plaques, de circuit vital brisé, un balai sera introduit dans le cul des poètes, dans le cul des mots, une bombe sera introduite dans les journaux, il n’y aura plus personne pour parler à notre place, nous célébrerons le rire dans les musées, le dissolvant coulera dans vos vers, les flasques et les flexibles seront fusillés, les badauds blafards rassemblés sur les places se lèveront comme un seul homme pour rallier la grande Fête, le grand Facebook, le Faces Blanches, pour se repaître de sang, pour recevoir de la couleur, pour gober des poches de sérum en hurlant d’horreur, comme des enfants épouvantés qu’on affame, trépanés pour le retour à la barbarie, et je serai la haine, je serai le char d’assaut, je serai le grand brasier, la fête païenne, la manchette, je serai le goût de sang dans ta bouche, parce que les corps ont été éparpillés et que nos visages sont livides
J’ai la joie d’annoncer qu’un de mes textes ‒ « L’amont » ‒ a été retenu par la revue Doc(k)s. Il sera au sommaire du prochain numéro. En attendant, vous pouvez le lire en ligne ici.